Cette année 2019, le Club a choisi d’organiser une sortie pour le Week-end de Pâques aux Dentelles de Montmirail. Pour ceux qui ne savent pas, et c’était mon cas avant d’y aller, les Dentelles ne sont pas très loin d’Avignon. Nous avons pris le train, on a été plusieurs à se retrouver à la voiture-bar. C’est un endroit charmant, où l’on peut prendre un verre, ce qui n’a pas du tout biaisé notre décision. D’Avignon TGV, nous avons rejoins les Dentelles à bord de notre voiture de location, sachez que les coffres de voitures ne sont pas adaptés à cinq grimpeurs avec leurs cordes et leurs affaires pour trois jours. Mais maintenant, on connaît encore mieux l’odeur de nos propres chaussons, et l’odeur des chaussons de ceux qui voyageaient avec nous.
Le gîte était un endroit charmant, propre et similaire au réfectoire d’une école primaire. De longues tables avec des chaises bien rangées de part et d’autre. En arrivant vers 22h, on a décidé d’aller visiter Gigondas, évidemment, on cherchait surtout un endroit où déguster des spécialités de cette région viticole : des chips, des bretzels, ou de la tapenade…
Le réveil a sonné tôt, mais on aime ça, parce que c’est pour aller faire de l’escalade. Nous avons pris notre petit-déjeuner tous ensemble, à vingt-cinq dans notre beau réfectoire d’école primaire. Nos deux guides sont arrivés à huit heures pour faire le point et se rendre compte du niveau du groupe.
Le groupe s’est trouvé scindé en deux, ceux qui connaissent la Grande Voie, et ceux qui n’en n’ont jamais fait. Ceux qui connaissent la Grande Voie ont alors disparu, faire des Grandes Voies, comme ils disent, mais allez savoir ! On ne les a pas revu de la journée, et le soir ils étaient attablés autour d’un vin local pas dégueulasse. Si faire de la Grande Voie, c’est faire le tour des caves, j’en ai moi-même une certaine expérience, en fait.
Pour ceux qui ne connaissent pas la Grande Voie, nous avons été accompagnés de Philippe et Igor. La matinée à faire de la couenne. L’après-midi, après une marche d’approche de quarante-cinq minutes qui a pulvérisé l’énergie qui nous restait, nous avons vu les manipulations de cordes pour la Grande Voie, au pied de la falaise… Un nœud, un descendeur, corde libre, ravale, non ! Plus ! Non ! Là, le mec, il est mort si tu l’assures comme ça ! Ce qui, vous vous en doutez met toujours une bonne ambiance à l’heure d’assurer. Sur une longueur de couenne, nous avons fait des manipulations, relais, assurer un second,… vous comprendrez ces mots quand vous viendrez aux prochaines sorties du club, moi non plus je ne savais pas ce qu’ils voulaient dire, et maintenant je sais. Je ne vous dirais pas, mais je sais.
Comme une grimpeuse, ou un grimpeur, n’est jamais vraiment fatigué tant qu’il est au pied de quelque chose qui se grimpe, nous avons fait de la couenne pendant encore quelques heures. Les guides eux non plus n’avaient pas l’air d’avoir envie de rentrer chez eux…
En arrivant au gîte avec nos petits doigts écorchés, nous avons retrouvé ceux qui faisaient de la Grande Voie, attablés, partageant un petit verre de vin, à la douceur de ce printemps. Il faut savoir apprendre en toutes circonstances, alors on a fait comme eux. Je vous passe le dîner. Nous étions heureux de retrouver notre réfectoire d’école primaire, et surtout, heureux de manger un repas chaud. Sans l’organisateur de cette sortie, nous n’aurions jamais eu autant de confort, merci Alexandre. Ce qui était un dîner agréable s’est transformé en soirée agréable, certains papotaient, certains jouaient, certains dormaient, et c’était encore eux dont la compagnie était la plus agréable !
Le lendemain, belote et rebelote ! Petit déjeuner, réfectoire, guide, pied des voies, escalade, fatigue, peur, pique-nique, abricots secs,…
Je suis partie en flèche pour ma première Grande Voie, et j’aurais aimé aller plutôt chercher du vin chez les petits producteurs… Quand on commence l’escalade, on entend beaucoup parler de Grandes Voies, ce qui fait que l’on se dit que c’est une forme de Graal. Tout le monde en parle, tout le monde a l’air heureux d’en faire, un jour, vous aussi vous ferez votre première Grande Voie, et à cent mètres de hauteur vous vous direz, comme moi : mais pourquoi ?!?! Inquiet, vous en parlerez avec les autres, qui vous diront, mais oui ! C’est vrai que la première fois ça fait très peur ! Tenir sur sa vache à cent mètres au dessus du vide, ce n’est pas très naturel ! Mais oui ! Ça n’est pas naturel, et il faut le dire ! Et le redire ! Si on vous propose de faire le ménage du gîte ou aller faire une Grande Voie, il ne faut surtout pas se précipiter pour répondre…. Nous avons grimpé avec Igor, notre guide. Qui, habitué qu’il est au Grande Voie, a décidé de faire un grand nombre de plaisanteries à cent mètres au-dessus du vide, aucune ne m’a faite rire. Je connais depuis longtemps les personnes avec qui je grimpais, grâce à leur patience et leur bienveillance, je me suis détendue dix-sept secondes. Waaaa, c’est beau ! Regarde, c’est quand même trop bien l’escalade ! oui, c’est trop bien, mais ce jour-là, c ‘était nettement moins bien que d’habitude.
Igor a encore fait quelques plaisanteries, auxquelles je n’ai pas du tout ri. Et puis on est redescendus en rappel. Ma corde s’est coincée dans un arbre pour le premier rappel de ma vie, il a fallu aller la sortir de là, ça aussi c’était chouette…
Une fois au sol, j’ai trouvé moi aussi que le paysage était incroyable et que c’était une chance d’être là. Mais je garderais, et pour toujours, un souvenir ému et effrayé de cette première ascension.
Nous avons retrouvé au gîte les habitués de la Grande Voie, autour d’un autre vin. Allez savoir ce qu’ils avaient encore fait de leur journée….
Dîner tous ensemble, conversations, jeux,… chacun a su y trouver son compte, et occuper sa soirée.
Certains sont allés se faire une greffe de peau pour pouvoir grimper le lendemain. Le calcaire des Dentelles est beau, mais dermavore. C’est comme la peur pour la première Grande Voie, personne ne vous le dit vraiment, mais je vais vous le dire : ça fait mal.
Il ne nous restait plus qu’une matinée, il nous fallait reprendre le train en milieu d’après-midi. Malgré tout ce que je vous ai dit, il y avait une excitation toute enfantine a vouloir grimper cette dernière matinée. Il faut croire que l’absence de peau sur les doigts n’empêche pas la joie d’aller grimper au soleil dans un lieu sublime, allez comprendre l’être humain !
Nous avons fait de la couenne, et c’était bien chouette ! Évidemment, puisque je n’étais pas suspendue à cent mètre au dessus du vide, j’ai regretté que l’on ne fasse pas de la Grande Voie, encore cette absence de satisfaction dont nous sommes capables. La demi-journée de grimpe s’est terminée, à regret, nous avons enlevé nos baudriers, nous sommes rentrés au gîte retrouver nos affaires. Chaque voiture a retrouvé ses occupants du trajet aller et leurs chaussons malodorants. C’était délicieux ! A la gare nous avons bu un verre, un groupe whatsapp a été créé, et là, pendant une heure, il y a eu une déferlante de photos, plus belles les unes que les autres. Curieusement, ces moments je venais de les vivres, mais voir ces images, voir ce soleil, et me souvenir de ma peur m’ont emplie de joie.
Je suis montée dans le train, je repensé à tous ces moments, surtout au blagues de mes compagnons de cordée à cent mètres au dessus du vide, finalement je les trouvais plutôt drôles, plutôt très drôles même ! Je crois que c’est à ce moment-là que j’ai réservé mon billet pour la sortie suivante, celle qui a eu lieu à Orpierre, il y a quelques jours.